Pointe de lance à ailerons

Titre

Fr Pointe de lance à ailerons

Description et commentaire

Fr Tête de lance à douille tronconique, dont émanent de part et d'autres deux ailerons symmétriques, de forme quasi-quadrangulaire : la face distale est droite et perdendiculaire à la douille, un petit côté est coupé parallèlement à la douille, et la face proximale, oblique, n'esquisse qu'une très légère courbure. La lame, dont les deux bords droits se rejoignaient à une pointe aujourd'hui brisée, a une base angulaire, se rattachant à la douille par deux courbes renversées. Au centre de la lame, dans sa partie inférieure, un décor en laiton incrusté rappelle la forme d'une lame en langue de carpe, dont émanent quare petites lignes se terminant par des bâtons apposés perpendiculairement.
Fr Cette tête de lance, fragmentaire à son extrémité, témoigne de l’intérêt de Jean-Baptiste Muret pour des périodes autres que l’Antiquité classique : datant des 9e ou 10e siècles de notre ère, elle appartient à la toute fin de la chronologie des lances à ailerons, armes emblématiques de la cavalerie carolingienne puis ottonienne. Les ailerons de ces lances permettaient de parier et de dévier les coups de lance de l’adversaire, d’écarter son bouclier, et d’empêcher qu’en cas de coup d’estoc porté à plein galop, la lame ne pénètre trop profondément dans son corps.
On connaît quelques lances similaires précoces, armes d’apparat de hauts dignitaires de l’Empire romain tardif, richement décorés avec des incrustations de bronze, de cuivre, d’argent ou de laiton (Legoux 2005, p. 84), mais la décoration en laiton incrustée de cet exemplaire est plutôt remarquable au sein des lances à ailerons carolingiennes, dont la chronologie commence pour sa part à la fin du 7e siècle. En effet, ces armes portent souvent une décoration damasquinée sur la partie inférieure de la douille, autour des ailerons ; il s’agit de motifs fins et longilignes, suivant la forme de la tête de lance. Les parallèles pour un décor apposé sur la lame sont rares, mais pas inexistants : un motif en feuille de laurier a été apposé sur la lame d’une tête de lance provenant de Stadhaum (Paulsen 1969, p.293, fig. 2, n° 3), et une technique similaire a été utilisée sur la Sainte Lance de Vienne, mais dans ce cas le décor a été apposé sur les ailerons, plutôt que sur la lame (Schulze-Dörlamm 2011, p. 715).
Les lances à ailerons, fabriquées dans le royaume franc, n’en ont pas moins été mises au jour jusqu’en Scandinavie, témoins des transgressions fréquentes de l’interdiction d’exportation d’armes imposée par le pouvoir carolingien pour contrer les incursions vikings, à tel point que dans de la bibliographie ancienne, on peut lire qu’il s’agit d’armes viking (Périn 1990, p. 168). Leur origine franque est attestée par de nombreuses représentations sur des enluminures et peintures de l’époque carolingienne, qui confirment l’utilisation de cette lance par la cavalerie comme arme, et parfois comme porte-étendard. M. Schulze-Dörlamm rejette l’emploi possible de ces lances comme des armes de chasse – les lames sont selon elle trop longues –, hypothèse soutenue par B. Oesterwind, pour qui la lance à ailerons récemment découverte à Bell n’a pu être perdue qu’au cours d’une partie de chasse.
Références : R. Legoux, La nécropole mérovingienne de Cutry (Meurthe-et-Moselle), Saint-Germain-en-Laye, 2005 ; B. Oesterwind, « Eine karolingische Flügellanze aus der Flur “Boder”, Gemeinde Bell. Kr. Mayen-Koblenz », Mayener Beiträge zur Heimatgeschichte, 2019, 15, p. 15-26 ; P. Paulsen, « Flügellanzen. Zum archäologischen Horizont der Wiener ‚sancta lancea‘ ». Frühmittelalterliche Studien, 1969, 3, 1, p. 289-312 ; P. Périn, « Les objets vikings du musée des antiquités de la Seine-Maritime, à Rouen », dans E. Deniaux (dir.), Recueil d’études en hommage à Lucien Musset, Caen, 1990, p. 161-188 ; J. Petersen, De Norske Vikingesverd: En Typologisk-Kronologisk Studie Over Vikingetidens Vaaben, Kristiania, 1919 ; M. Schulze-Dörrlamm, « Die Heilige Lanze in Wien. Die Frühgeschichte des karolingisch-ottonischen Herrschaftszeichens aus archäologischer Sicht », Jahrbuch des Römisch-Germanischen Zentralmuseums Mainz, 2011, 58, 2, p. 707-742 ; E. Szameit, « Die Heilige Lanze der Wiener Schatzkammer. Bemerkungen zu Form und Verwendung von Flügellanzen aus dem Blickwinkel der Archäologie und der Waffenkunde », dans F. Kirchweger (dir.), Die Heilige Lanze in Wien. Insignie - Reliquie - « Schicksalsspeer », Milan, 2005, p. 145-167 ; H. Westphal, Franken oder Sachsen? Untersuchungen an frühmittelalterlichen Waffen, Oldenburg, 2002.

Auteur : Euan Wall

Matériau

Fr
Fr

Largeur

Fr 40,8

Profondeur

Fr 11,7

Unité de mesure

Fr centimètre

Type

Date de création

Fr 8e siècle - 10e siècle

Période

Commentaire historique

Fr Don Muret, par l'intermédiaire d'Anatole de Barthélémy, 28 février 1877

Source des images

Fr ©MAN/Valorie Gô

Identifiant

Fr MAN 23800.1

Notes internes

Fr Collection Muret