Jean-Baptiste Muret (1795-1866)

 

Un dessinateur au service de l'archéologie

On connaît peu de choses de Jean-Baptiste Muret avant son entrée au Cabinet des Médailles en 1830. Il est né à Versailles en 1795, mais on ne sait rien de sa formation artistique. Il participe au recueil des Monuments des arts du dessin chez les peuples tant anciens que modernes, recueillis par le Baron Vivant Denon, dont les lithographies sont effectuées entre 1816 et 1820. Le jeune Muret côtoie ainsi de nombreux autres artistes sur cet ambitieux projet, qui veut brosser une histoire de l’art du dessin jusqu’au XVIIIe siècle ; il produit une trentaine de lithographies sur les 315 planches publiées. Jusqu’en 1830, on lui connaît aussi quelques projets d’illustration, comme les planches pour une édition illustrée de Faust d’après les dessins de Moritz Retzsch, ou bien quelques lithographies d’après des œuvres d'Horace Vernet ou Ingres. Il continue sans doute toute sa vie à participer à des publications, notamment celles de ses collègues de la bibliothèque ; mais il est aujourd’hui difficile de repérer toutes ces productions, car le plus souvent dans les ouvrages de l’époque, les dessins ne sont pas signés.

Muret est donc choisi par Désiré Raoul-Rochette, conservateur du Cabinet des Médailles, comme dessinateur chargé de documenter les nouvelles acquisitions ; il reste au département jusqu’à sa mort en 1866, mais son activité rapidement dépasse ce simple cadre. La raison de son embauche laisse supposer l’établissement d’une documentation systématique des œuvres qui arrivent alors régulièrement dans les collections, au gré des achats ou dons ; Raoul-Rochette, dans les années 1830-1840, a une politique d’acquisition très active, et il profite notamment d’un marché parisien en pleine expansion, avec l’établissement de marchands spécialisés et le développement des ventes aux enchères qui disperse des collections dont les œuvres proviennent alors principalement d’Italie. Mais les planches qui nous sont parvenues sont d’une toute autre nature : elles reproduisent bien sûr largement les œuvres du Cabinet, mais sans systématisme ni dans le choix (tout n’est pas dessiné), ni dans la façon de les dessiner (si le plus souvent une seule face est représentée, parfois on en retrouve plusieurs). Surtout, ces œuvres sont mises en séries avec de nombreuses autres issues de collection publiques et privées : elles sont même finalement minoritaires.
Notons également que l’activité de Muret ne se résume pas à ses dessins : il effectue aussi les moulages des monnaies ou pierres gravées nécessaires aux publications du Cabinet (comme le Trésor de numismatique et de glyptique). Il établit aussi à partir de la fin des années 1840 les fiches d’inventaire de la collection archéologique, travail méticuleux et de grande ampleur (près de 5000 fiches de sa main sont conservées). Enfin, il est aussi chargé de recevoir les visiteurs qui voulaient voir la collection.

Le Recueil des monuments antiques

L'impressionnant ensemble de 1986 planches portant les dessins de près de 8 000 objets, œuvre d'une vie de dessinateur d'archéologie, a été acheté après la mort de l’artiste à son fils Ernest. Les planches conservées en vingt portefeuilles ont été en 1882 réunies en onze volumes, non indexés ni même classés, ce qui rend leur consultation difficile.

Le plan d’ensemble du recueil, qui n’est ni titré, ni chapitré, n’est pas cohérent. Si des séries typologiques et iconographiques ont été conservées, on sent parfois qu’elles ont été séparées, et des feuilles se suivent sans logique. On ne sait pas si les regroupements ont été effectués par Muret ou ultérieurement (par exemple, la série des images érotiques regroupées dans le volume 9).

Les dessins sont à la mine de plomb, rarement à l’encre, le plus souvent colorés à la gouache ou à l’aquarelle ; les objets y sont rendus avec beaucoup de soin et de talent, de précision dans le rendu des modelés, des matières et des surfaces.

Images et textes

Les planches dessinées par Jean-Baptiste Muret comportent parfois un seul objet, mais le plus souvent elles mettent en série plusieurs œuvres de même type (voir notamment les bijoux) ou bien traitant du même thème (voir les planches mythologiques).  Presque aucun texte ne vient s'immiscer dans les images ; les légendes sont notées au dos, au crayon à papier, en bas de la feuille. Mais elles ne sont pas systématiques : dans le volume 2, sur les 1 200 objets, 644 ont une légende. Quand elles existent, elles sont donc précieuses pour les informations qu'elles donnent sur les conditions de la découverte, la collection, l'historique, ou bien sur la manière dont les objets étaient interprétés à l'époque de Muret.

Composition des planches

Certaines planches mettent en série un grand nombre d'objets, permettant de comparer facilement des objets similaires, dans des compositions ordonnées jouant souvent des effets de symétrie.

Les matériaux sont mélangés, permettant des effets de polychromie. Les dimensions ne sont jamais indiquées, et les échelles entre les œuvres ne sont pas toujours respectées ; cependant, les plus petits objets semblent le plus souvent à l'échelle : monnaies, pierres gravées, bagues, fibules ...

Tel qu'il nous est parvenu, le recueil permet aussi de voir la manière dont les planches étaient composées au fur et à mesure des nouvelles découvertes : certaines restent incomplètes, prêtes à recevoir l'image de nouveaux exemplaires.

Au-delà du souci de clarté dans la lecture des objets, Muret montre un goût certain pour la mise en page et les figures géométriques : le cercle (imbrication des colliers et torques) et la grille (exposition des petits objets).

Les objets

Les dessins des objets montrent une certaine diversité. Si la norme dans le recueil est que chaque objet soit dessiné une seule fois, selon une vue préférée, plusieurs planches proposent des vues multiples.

Parfois, pour les objets incomplets, des restitutions des lacunes sont suggérées au trait.

Enfin, ce sont des détails qui sont parfois privilégiés. On peut évoquer le cas d'un vase à figures rouges, dont les deux faces sont dessinées sur deux planches séparées ; ce vase est connu par une publication de 1833 (Raoul-Rochette, Monuments inédits, I, pl. VI) mais il n'est pas identifié dans les collections actuelles.

Une face du lébès en planche 15.

L'autre face en planche 72.